abrupt



Abrupt en effet sont les rocs où se dressent les forteresses Cathares : professant l'origine divine de toute chose et l'égale dignité de tout en Dieu, ils n'en éprouvaient pas moins le besoin de bâtir de grosses tours sur des promontoires rocheux, jouant par là l'éternel jeu de celui qui fera la plus martiale érection de moellons dans un paysage dont le grandiose confine déjà pourtant au ridicule. Ainsi naquit Roquefixade, qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui. Sophie, soyez gentille d'envoyer la diapositive suivante.



 Qu'on veuille bien imaginer un pic rocheux si abrupt que le piqué du faucon sur la tourterelle semblera en comparaison un plan incliné accessible aux fauteuils roulants, que le plongeon du cormoran évoquera le dénivelé des douces collines tourangelles et celui du cachalot s'apprêtant à livrer bataille dans les abysses semblera un toboggan d'école maternelle. Un roc, donc, abrupt à l’extrême, plus vertical que ça, tu penches dans l'autre sens. Et de la pierre la plus dure, aux arêtes hérissées et de mauvais aloi. Inamical au possible.  Aux amateurs de raideur, il semblera trop hérissé. Aux amateurs d'aspérités, sa raideur sera rédhibitoire. Un improbable ami des raideurs hérissées, un sectateur chimérique des aspérités roides se présenterait-il ? L'aspect massif de l'ensemble lui gâterait encore le plaisir.

Non, décidément, même aux corbeaux la zone est un second choix. Une banlieue où on ne se résout à vivre que passé les désillusions de l'âge, miné par le crédit, fissuré par l'amertume, aplati par le sens des réalités, jusqu'à n'avoir plus que les deux dimensions d'une fiche de paie.  Tel est Roquefixade. Massif, on l'a dit. Raide et hérissé, on le répète, mais aussi hautain, dirait on volontiers pour donner un trait humain à ce paysage minéral. Mais si, regardez-bien la diapositive : on dirait un visage.