la médaille d'or vient avant la médaille de Bronze....
...C'est entendu, mais pourquoi en notre siècle prétendument éclairé, la hiérarchie symbolique des matériaux honorifiques ne s'est-elle pas encore alignée sur la classification périodique des éléments : combien elle gagnerait en cohérence, en finesse, en possibilité de distinction ! L'athlète obscur, le déjà oublié, qu'une vie de travail ne parvient pas, destin contraire ou manque de prédispositions, à conduire au franchissement de la ligne d'arrivée parmi les dix premiers rentrerait au pays natal avec la médaille d'Hélium, ou d'Hydrogène. C'est tout de même mieux que rien. De même, la bataille aurait longtemps fait rage entre les tenants du Germanium et du Gallium ; la possibilité de commentaires plus ou moins experts, de pronostics hasardeux, d'exploits "historiques" s'en verrait accrue d'autant, l'échelle de nos distinctions s'étendant alors sur tout le spectre de l'univers existant.
ou alors...
Ou alors au contraire, faisons fi de cette vision du monde au mécanisme étriqué. Comment, mais vous comptez les neutrons ? Vous en êtes encore à ces jeux de gamins ? Que c'est mesquin ! Franchement, vous ne pouvez songer une minute à bâtir un monde habitable pour les coccinelles, les enfants et les chansons, plutôt que de resserrer à tout moment les vis de votre mécano inhospitalier ?
Redéfinissons plutôt notre univers physique avec des catégories plus intuitives, plus accessibles à la ménagère, qui parlent à l'homme de la rue, au quidam que les subtilités subatomiques repoussent quand elles ne l’exaspèrent pas. Du Brome ? Absurde ! Du Strontium ? Quelle idiotie ! Du Bismuth ? Que me chantez-vous là ? Il n'y a que du caillou, lequel se subdivise en caillou terne ou brillant, friable ou dur, grumeleux ou lisse. Vient ensuite la catégorie du métal (lequel passe par trois phases : sérieux, inquiétant, pas fiable) et faisant suite à la boue, à la merdouille et à la mayonnaise tournée dans notre classification intuitive des éléments.
